La retraite des médecins : cotisations, bilan, anticipation

Avec plus de 237 300 médecins en activité en France au 1er janvier 2024, la question de la retraite des médecins devient cruciale pour de nombreux professionnels de santé. En tant que médecin libéral, vous partez en moyenne à la retraite vers 66,5 ans, soit plus tard que la moyenne des Français.
La complexité du système de retraite médical mérite une attention particulière. En effet, votre pension de retraite s'élève en moyenne à 33 237 € par an, un montant constitué à 44% par le régime complémentaire, 34% par le régime ASV et seulement 22% par le régime de base. Le calcul de la retraite d'un médecin libéral prend en compte trois éléments essentiels : le nombre de points, la valeur du point et le coefficient de liquidation. Par ailleurs, pour 2025, la valeur du point est fixée à 0,6540 €. Vous devez également savoir que l'âge légal pour prétendre à la retraite de base est désormais de 64 ans pour les médecins nés après 1968.
Ce guide vous aidera à comprendre les spécificités de la CARMF, les différents régimes de retraite des médecins, ainsi que les stratégies pour optimiser votre pension et préparer sereinement votre bilan retraite.
Sommaire :
Comprendre les régimes de retraite des médecins
En France, la retraite des médecins s'articule autour d'un système complexe et spécifique à cette profession. Pour bien préparer votre avenir financier, il est essentiel de comprendre les mécanismes qui sous-tendent ces régimes particuliers.
1. Le rôle de la CARMF et ses trois régimes
La Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France (CARMF) est l'organisme central qui gère votre protection sociale en tant que médecin libéral. Créée en 1949, cette caisse fait partie des dix sections professionnelles de la CNAVPL (Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales). Son rôle principal consiste à assurer la gestion de trois régimes de retraite obligatoires :
- Le régime de base, commun à toutes les professions libérales
- Le régime complémentaire, spécifique aux médecins
- Le régime des allocations supplémentaires de vieillesse (ASV), destiné aux médecins conventionnés
La CARMF remplit également d'autres missions importantes comme la gestion du régime invalidité-décès, l'administration d'un fonds d'action sociale pour les médecins en difficulté, et la proposition de services d'information et d'accompagnement pour préparer votre départ à la retraite.
2. Différences entre base, complémentaire et ASV
Chacun des trois régimes possède ses propres caractéristiques et modalités de fonctionnement.
Le régime de base est géré par la CNAVPL pour le compte des médecins libéraux. C'est le seul régime de base en France qui fonctionne entièrement par points. Vos cotisations sont appelées à titre provisionnel selon vos revenus de l'année N-2, puis régularisées selon vos revenus réels. Le taux de cotisation est de 8,23% sur la tranche 1 (jusqu'à 1 PASS) et de 1,87% sur la tranche 2 (de 1 à 5 PASS).
Le régime complémentaire est géré directement par la CARMF et concerne exclusivement les médecins thésés exerçant une activité libérale. La cotisation s'élève à 10,2% de vos revenus, dans la limite de 3,5 PASS (164 850 € en 2025). Ce régime représente une part significative de votre future pension, puisqu'en moyenne, il constitue 44% de la retraite d'un médecin.
Le régime ASV est réservé aux médecins conventionnés. Sa particularité réside dans son mode de financement : pour les médecins en secteur 1, les deux tiers de la cotisation sont pris en charge par l'Assurance Maladie. La cotisation comprend une part forfaitaire (5 556 € en 2025) et une part proportionnelle de 3,8% de votre revenu conventionnel. Ce régime représente environ 34% de la pension d'un médecin retraité.
3. Qui est concerné par chaque régime ?
L'affiliation à ces différents régimes dépend de votre statut professionnel et de votre mode d'exercice.
Le régime de base concerne tous les médecins exerçant une activité libérale en France métropolitaine, dans les départements d'Outre-mer ou à Monaco. Cela inclut les installations en cabinet, les remplacements, les expertises, l'exercice en secteur privé à l'hôpital, et même les étudiants en médecine effectuant des remplacements sous licence.
Le régime complémentaire est obligatoire pour tous les médecins thésés exerçant une activité libérale. Il fonctionne exclusivement par points et ne prend pas en compte de critère de durée d'assurance, contrairement au régime de base.
Le régime ASV ne concerne que les médecins conventionnés. Ce dispositif a été spécifiquement conçu pour améliorer la retraite des médecins ayant choisi d'exercer dans le cadre de la convention nationale avec l'Assurance Maladie. Ainsi, environ 10% des médecins libéraux exercent leur activité dans le cadre d'un cumul retraite/activité libérale.
Par ailleurs, en cas d'exercice mixte (libéral et salarié) ou de changement de statut au cours de votre carrière, vous cotiserez simultanément ou successivement auprès de plusieurs caisses de retraite, ce qui complexifie davantage la gestion et l'optimisation de votre future pension.
Cotisations et acquisition des droits retraite
Pour comprendre la retraite des médecins, il est indispensable d'analyser précisément le mécanisme des cotisations et l'acquisition des droits qui en découlent. Ces cotisations constituent en effet le fondement de votre future pension.
1. Comment sont calculées les cotisations ?
Le calcul des cotisations retraite du médecin libéral s'effectue différemment selon chaque régime. Pour le régime de base, les cotisations sont appelées à titre provisionnel sur les revenus de l'année N-2, puis régularisées ultérieurement en fonction des revenus réels. En 2025, le taux appliqué est de 8,23% sur la première tranche de revenus et de 1,87% sur la seconde.
Pour le régime complémentaire, la cotisation s'élève à 10,2% des revenus nets d'activité libérale dans la limite de 164 850 € (3,5 PASS), sans faire l'objet d'une régularisation ultérieure.
Quant au régime ASV, la cotisation comprend une part forfaitaire et une part proportionnelle. La part forfaitaire varie selon votre conventionnement : 1 850 € en secteur 1 contre 5 556 € en secteur 2. Pour les médecins conventionnés en secteur 1, les deux tiers de la cotisation sont pris en charge par l'Assurance maladie. La part proportionnelle représente 1,2667% des revenus pour le secteur 1 et 3,8% pour le secteur 2, dans la limite de 5 PASS, soit 235 500 € en 2025.
2. Tranches de revenus et nombre de points
Chaque euro cotisé vous permet d'acquérir des points qui détermineront le montant de votre future pension de retraite. Dans le régime de base, la première tranche (jusqu'à 47 100 €) vous permet d'obtenir au maximum 525 points et 4 trimestres. Si vos revenus sont inférieurs, le calcul se fait au prorata. Sur la seconde tranche (jusqu'à 235 500 €), vous gagnez 1 point par tranche de 9 420 € de revenus, dans la limite de 25 points.
Par exemple, avec un revenu de 150 000 €, vous obtiendrez 525 points sur la première tranche et environ 17 points sur la seconde.
Pour le régime complémentaire, vous acquérez 1 point par tranche de 16 485 € de revenus, dans la limite de 10 points par an. Avec un revenu de 100 000 €, vous obtiendriez environ 6 points.
Dans le régime ASV, la part forfaitaire vous donne droit à 27 points, tandis que la part proportionnelle vous octroie 1 point par tranche de 8 122,81 € de revenus, dans la limite de 9 points par an.
3. Cas particuliers : maternité, invalidité, enfants
Certaines situations vous permettent d'acquérir des points sans cotiser. En cas de maternité, les femmes médecins bénéficient de 100 points supplémentaires au titre du régime de base pour le trimestre civil de l'accouchement, sans dépasser 550 points pour l'année concernée. Elles obtiennent également 8 trimestres par enfant élevé pendant au moins huit ans avant son 16ème anniversaire.
En cas d'invalidité nécessitant l'assistance d'une tierce personne, vous avez droit à 200 points par an au régime de base. Si vous êtes reconnu en incapacité d'exercice pour une durée supérieure à 6 mois, 400 points vous sont attribués annuellement.
Pour le régime complémentaire, la maladie peut vous donner droit à 2 à 4 points gratuits pour respectivement 3 à 6 mois d'arrêt de travail.
4. Rachat de trimestres et de points
Pour améliorer votre retraite médecin libéral, vous pouvez racheter des trimestres et des points. Dans le régime de base, il est possible de racheter jusqu'à 12 trimestres correspondant à vos années d'études supérieures ou à des années incomplètes. Le coût du rachat dépend de votre âge et de vos revenus.
Chaque trimestre racheté atténue la décote de 1,25%, permettant ainsi d'améliorer votre pension. Vous bénéficiez d'un abattement de 400 € pour le rachat des seuls trimestres, ou de 590 € pour un rachat de trimestres et de points, si vous rachetez 4 trimestres dans les 10 ans suivant la fin de vos études.
Dans le régime complémentaire, vous pouvez racheter des points entre 45 ans et votre départ en retraite. Quatre cas sont éligibles : le service militaire, la maternité (jusqu'à 3 trimestres par enfant), les enfants handicapés (1 trimestre par période de 3 ans, limité à 3 trimestres par enfant), et les périodes de dispense de cotisation.
Ces rachats et achats sont fiscalement déductibles sans limitation, constituant ainsi un levier d'optimisation important pour votre bilan retraite médecin.
Calcul du montant de la retraite d’un médecin
Le calcul du montant de la retraite des médecins exige une bonne compréhension des mécanismes spécifiques à chaque régime. Cette étape cruciale détermine directement votre niveau de vie futur.
1. Formule de calcul pour chaque régime
Pour le régime de base, la formule s'articule ainsi : nombre de points × valeur du point × coefficient de liquidation. Ce coefficient dépend de votre durée d'assurance et de l'âge auquel vous prenez votre retraite.
Concernant le régime complémentaire, le calcul est plus simple : nombre de points × valeur du point. Contrairement au régime de base, il n'intègre pas de notion de durée d'assurance.
Pour le régime ASV, la même logique s'applique : nombre de points × valeur du point.
2. Valeur du point en 2025
La valeur des points varie selon chaque régime :
- Régime de base : 0,6540 €
- Régime complémentaire : 73,80 €
- Régime ASV : 13,99 €
3. Exemples concrets de calcul
Prenons l'exemple d'un médecin ayant acquis 15 000 points au régime de base, 450 points au régime complémentaire et 1 200 points au régime ASV :
- Base : 15 000 × 0,6540 € = 9 810 €
- Complémentaire : 450 × 73,80 € = 33 210 €
- ASV : 1 200 × 13,99 € = 16 788 €
Sa pension annuelle s'élèverait ainsi à 59 808 €.
4. Impact des trimestres manquants (décote)
Chaque trimestre manquant par rapport à la durée d'assurance requise entraîne une décote de 1,25% sur le montant de votre retraite médecin libéral. Par exemple, avec 8 trimestres manquants, votre pension du régime de base subira une réduction de 10%.
5. Surcote en cas de départ différé
À l'inverse, poursuivre votre activité au-delà de l'âge légal ou de la durée d'assurance requise génère une surcote. Chaque trimestre supplémentaire augmente votre pension du régime de base de 0,75%. Par ailleurs, vous continuez à accumuler des points dans tous les régimes, ce qui améliore significativement votre montant de retraite médecin.
Gardez également à l'esprit que la CARMF dispose d'un outil de simulation en ligne permettant d'estimer vos droits selon différents scénarios de départ.
Anticiper son départ à la retraite
L'anticipation de votre retraite des médecins représente une étape décisive pour optimiser votre pension. Une préparation minutieuse plusieurs années avant votre départ vous permettra d'agir efficacement sur le montant de vos droits.
1. Âge légal vs âge du taux plein
L'âge légal de départ varie entre 62 et 64 ans selon votre année de naissance. Néanmoins, cela ne garantit pas une pension à taux plein. Pour éviter toute décote, deux options s'offrent à vous : avoir validé le nombre requis de trimestres (entre 167 et 172 selon votre génération) ou atteindre l'âge du taux plein automatique fixé à 67 ans. Sans ces conditions, votre pension subira une minoration de 1,25% par trimestre manquant, dans la limite de 25%.
2. Retraite progressive : conditions et avantages
Depuis 2023, la retraite progressive est accessible aux médecins libéraux. Ce dispositif vous permet, dès 60 ans, de réduire votre activité tout en percevant une partie de votre pension. Pour en bénéficier, vous devez avoir validé au moins 150 trimestres et réduire vos revenus de 20% à 60% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Avantage majeur : vous continuez à acquérir des droits pour votre future retraite définitive.
3. Cumul emploi-retraite : règles et limites
Le cumul emploi-retraite vous offre la possibilité de reprendre ou poursuivre une activité professionnelle après avoir liquidé vos droits. Deux modalités existent :
- Le cumul intégral (sans limitation de revenus) : accessible si vous disposez du taux plein et avez liquidé l'ensemble de vos droits à retraite.
- Le cumul plafonné : si vous ne remplissez pas ces conditions, vos revenus ne doivent pas dépasser 46 368 € en 2025.
4. Préparer sa demande de retraite
Anticipez votre demande au moins six mois avant la date souhaitée. La retraite prend toujours effet au premier jour d'un trimestre civil. Plusieurs démarches sont nécessaires :
- Obtenir votre relevé de situation individuelle
- Déposer votre demande auprès de la CARMF via eCARMF
- Déclarer votre cessation d'activité à l'URSSAF
- Informer le conseil départemental de l'Ordre
Faire un bilan retraite médecin et optimiser sa pension
Réaliser un bilan retraite médecin constitue une étape essentielle pour optimiser votre future pension. Cette analyse approfondie vous permet d'anticiper sereinement cette transition majeure de votre vie professionnelle.
1. Pourquoi faire un bilan retraite personnalisé ?
Un bilan retraite personnalisé vous permet d'évaluer précisément vos droits acquis et d'identifier les leviers d'optimisation adaptés à votre carrière médicale. Environ un relevé de carrière sur deux comporte des erreurs, pouvant affecter significativement vos projections. Par ailleurs, cette évaluation vous aide à comprendre l'efficacité de vos cotisations et à anticiper l'impact des réformes sur votre future pension.
2. Simuler différents scénarios de départ
La CARMF met à disposition un simulateur de retraite dans votre espace personnel eCARMF. Cet outil, accessible en quelques clics, vous permet d'estimer votre pension selon différentes dates de départ. Les cases grisées du tableau indiquent les montants intégrant le taux plein. En simulant plusieurs scénarios, vous pourrez visualiser l'impact financier de chaque décision sur votre retraite des médecins.
3. Choisir le bon moment pour liquider ses droits
Le choix du moment optimal pour liquider vos droits dépend de nombreux facteurs personnels. Chaque trimestre supplémentaire après l'âge légal augmente votre pension de base de 0,75% avant septembre 2023, et de 1,25% après cette date. En prolongeant votre activité, vous continuez également à accumuler des points dans tous les régimes.
4. Accompagnement par un conseiller retraite
Les conseillers de la CARMF sont à votre disposition pour étudier différents scénarios pour votre retraite. Un accompagnement spécialisé vous aide notamment à analyser votre relevé de carrière, vérifier vos droits et optimiser votre stratégie de départ. Ce service peut être fiscalement déductible dans le cadre d'une activité libérale, avec un coût généralement compris entre 600 € et 1 500 € selon la complexité de votre dossier.
Conclusion
La préparation de votre retraite des médecins nécessite une attention particulière et une planification méthodique bien avant l'échéance. Effectivement, les spécificités des trois régimes - base, complémentaire et ASV - forment un ensemble complexe qui mérite votre vigilance. Les cotisations versées tout au long de votre carrière détermineront directement le niveau de votre future pension, estimée en moyenne à 33 237 € annuels pour un médecin libéral.
Ainsi, plusieurs leviers d'optimisation s'offrent à vous. Le rachat de trimestres et de points représente une première stratégie efficace, particulièrement pour compenser les périodes d'études ou les années incomplètes. Par ailleurs, le choix judicieux entre retraite progressive et cumul emploi-retraite peut significativement améliorer votre situation financière lors de cette transition professionnelle majeure.
Votre bilan retraite devrait idéalement être réalisé plusieurs années avant votre départ afin d'identifier d'éventuelles erreurs dans votre relevé de carrière et d'explorer tous les scénarios possibles. À cet égard, les outils de simulation proposés par la CARMF vous permettront d'évaluer précisément l'impact financier de chaque décision envisagée.
L'âge de départ constitue sans doute la variable la plus déterminante. Chaque trimestre travaillé au-delà de l'âge légal génère une surcote de votre pension, tandis que chaque trimestre manquant entraîne une décote potentiellement significative. Compte tenu de ces éléments, l'accompagnement par un conseiller spécialisé peut s'avérer précieux pour optimiser votre stratégie personnelle.
En définitive, votre retraite médecin libéral mérite une préparation aussi rigoureuse que celle que vous avez consacrée à votre carrière médicale. Une planification adaptée vous permettra non seulement de maximiser vos droits, mais également d'aborder cette nouvelle étape avec sérénité et confiance.
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