La comptabilité des professions libérales
Les activités professionnelles indépendantes, communément appelées professions libérales, nécessitent une rigueur particulière en matière de gestion comptable. Qu'il s'agisse d'un médecin, d'un avocat ou d'un architecte, les professionnels libéraux doivent se conformer à des obligations comptables spécifiques, dictées par leur statut juridique et leur régime fiscal. Dans cet article détaillé, nous explorerons les rouages de la comptabilité des professions libérales, en abordant les différents aspects à prendre en compte pour garantir une gestion financière optimale.
Sommaire
Qu'est-ce qu'une profession libérale ?
Avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de définir clairement ce que l'on entend par "profession libérale". Selon la loi n° 2012-387, une profession libérale se caractérise par trois critères principaux :
- L'activité est exercée à titre personnel et indépendant, sans lien de subordination.
- Les revenus constituent essentiellement la rémunération du travail intellectuel ou technique du professionnel.
- Les bénéfices sont généralement imposés dans la catégorie fiscale des bénéfices non commerciaux (BNC).
On distingue deux grandes catégories de professions libérales :
Les professions réglementées
Ces activités sont encadrées par un ordre professionnel qui fixe les règles d'exercice et les conditions d'accès à la profession. Parmi les plus connues, on peut citer les métiers du droit (avocats, notaires), de la santé (médecins, infirmiers, sages-femmes) et de l'expertise comptable.
Les professions non réglementées
Il s'agit des activités libérales ne faisant pas l'objet d'une réglementation particulière, comme les métiers du conseil, de la formation, de la traduction ou du développement informatique.
Les obligations comptables selon le statut juridique
Les obligations comptables incombant aux professionnels libéraux varient en fonction de leur statut juridique, à savoir s'ils exercent en entreprise individuelle ou en société. Explorons ces deux cas de figure.
En entreprise individuelle
Le professionnel libéral exerçant à titre individuel peut opter pour deux régimes fiscaux distincts, chacun impliquant des obligations comptables spécifiques.
Le régime micro-BNC
Également appelé "auto-entrepreneur", ce régime simplifié s'adresse aux professionnels dont les recettes annuelles ne dépassent pas un certain seuil (77 700 euros en 2022). Les obligations comptables se limitent alors à :
- La tenue d'un livre des recettes répertoriant chronologiquement les encaissements.
- L'établissement de factures conformes.
Aucune obligation de produire un bilan ou un compte de résultat n'est requise dans ce cadre. De plus, le professionnel bénéficie généralement d'une franchise de TVA jusqu'à un certain plafond de chiffre d'affaires.
Le régime de la déclaration contrôlée
Lorsque les recettes annuelles excèdent le seuil du micro-BNC, le professionnel libéral doit basculer vers le régime de la déclaration contrôlée. Ses obligations comptables se renforcent alors :
- Tenue d'une comptabilité de trésorerie détaillant les recettes et les dépenses.
- Établissement d'un bilan et d'un compte de résultat annuels.
- Tenue d'un livre-journal et d'un registre des immobilisations.
De plus, le professionnel devient redevable de la TVA, avec des modalités de déclaration et de paiement spécifiques selon le montant de son chiffre d'affaires.
En société
Lorsqu'un professionnel libéral exerce son activité au sein d'une société, les obligations comptables se rapprochent de celles des sociétés commerciales classiques. Deux régimes fiscaux s'offrent à lui :
Le régime simplifié d'imposition (RSI)
Ce régime concerne les sociétés dont le chiffre d'affaires annuel ne dépasse pas 247 000 euros (HT). Les principales obligations sont les suivantes :
- Tenue d'une comptabilité d'engagement avec possibilité de simplification.
- Établissement d'un bilan, d'un compte de résultat et d'une annexe comptable.
- Tenue d'un grand livre et d'un livre journal.
- Déclarations de TVA semestrielles avec régularisation annuelle.
Le régime réel normal
Au-delà du seuil de 247 000 euros de chiffre d'affaires, la société relève du régime réel normal, impliquant des obligations comptables plus étendues :
- Comptabilité d'engagement complète, sans possibilité de simplification.
- Présentation détaillée du bilan, du compte de résultat et de l'annexe comptable.
- Tenue d'un grand livre et d'un livre journal.
- Déclarations de TVA mensuelles ou trimestrielles.
Quel que soit le régime, le professionnel libéral exerçant en société doit déposer ses comptes annuels au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS).
L'importance de la comptabilité pour les professions libérales
Au-delà des obligations légales, la tenue d'une comptabilité rigoureuse revêt une importance capitale pour les professionnels libéraux. En effet, elle leur permet de :
- Suivre l'évolution de leur activité en temps réel, grâce à une vision claire de leurs recettes et dépenses.
- Anticiper leurs besoins de trésorerie et éviter les situations de découvert.
- Optimiser leur fiscalité en identifiant les charges déductibles et en calculant précisément leur résultat imposable.
- Faciliter la prise de décisions stratégiques, grâce à une analyse fine de leur situation financière.
De plus, une comptabilité bien tenue constitue un atout majeur lors de la revente d'un cabinet ou d'une patientèle, en témoignant de la bonne santé financière de l'activité.
Le choix d'un expert-comptable spécialisé
Bien que l'intervention d'un expert-comptable ne soit pas obligatoire pour les professions libérales, celle-ci est fortement recommandée. En effet, ces professionnels du chiffre apportent une expertise pointue dans les domaines suivants :
- Le respect des obligations comptables et fiscales spécifiques aux professions libérales.
- L'optimisation de la situation fiscale du professionnel, en identifiant les leviers d'économie d'impôts.
- Le conseil stratégique pour accompagner le développement de l'activité.
- La sécurisation des opérations comptables, en limitant les risques d'erreurs et de redressements fiscaux.
Cependant, les tarifs des experts-comptables peuvent varier considérablement en fonction de l'étendue des missions confiées et de la taille du cabinet. Il est donc essentiel de bien définir ses besoins en amont et de comparer les offres de plusieurs prestataires.
Les bénéfices non commerciaux (BNC)
Une particularité majeure des professions libérales réside dans le fait que leurs bénéfices sont généralement imposés dans la catégorie fiscale des bénéfices non commerciaux (BNC). Contrairement aux bénéfices industriels et commerciaux (BIC), les BNC sont calculés selon une comptabilité de trésorerie, c'est-à-dire en fonction des encaissements et décaissements effectifs.
Le régime d'imposition applicable dépend du montant des recettes annuelles :
- En deçà de 77 700 euros, le professionnel relève du régime micro-BNC, avec un abattement forfaitaire de 34% sur son bénéfice imposable.
- Au-delà de ce seuil, il bascule vers le régime de la déclaration contrôlée, où il peut déduire ses charges réelles.
Il est important de noter que, dans certains cas, les professionnels libéraux peuvent opter pour l'impôt sur les sociétés (IS) plutôt que l'impôt sur le revenu (IR), en créant une société d'exercice libéral (SEL).
La gestion de la TVA pour les professions libérales
L'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) constitue un autre aspect essentiel de la comptabilité des professions libérales. Selon leur régime fiscal et leur chiffre d'affaires, les professionnels peuvent bénéficier d'une franchise en base de TVA ou être redevables de cette taxe.
Les seuils à prendre en compte sont les suivants :
- Pour le régime général, franchise de TVA jusqu'à 36 800 euros de chiffre d'affaires (N-1), avec une tolérance jusqu'à 39 100 euros.
- Pour les avocats, auteurs et artistes-interprètes, franchise jusqu'à 47 700 euros (N-1), avec une tolérance jusqu'à 58 600 euros.
Au-delà de ces seuils, le professionnel libéral doit s'acquitter de la TVA selon des modalités variables (déclarations mensuelles, trimestrielles ou semestrielles).
Certaines activités libérales bénéficient toutefois d'une exonération de TVA prévue par la loi, comme les médecins, les infirmiers ou les sages-femmes.
Les déclarations fiscales des professions libérales
La comptabilité des professions libérales débouche sur l'établissement de déclarations fiscales spécifiques, en fonction du régime d'imposition choisi. Voici un aperçu des principales déclarations à produire :
En entreprise individuelle
- Micro-BNC : déclaration mensuelle ou trimestrielle de chiffre d'affaires (2042-C-PRO).
- Déclaration contrôlée : déclaration de résultats n°2035 et ses annexes.
En société
- Régime simplifié d'imposition (RSI) :
- Pour l'IR : déclaration 2031 et annexes simplifiées (tableaux 2033 A à G).
- Pour l'IS : déclaration 2065 et annexes simplifiées.
- Régime réel normal :
- Pour l'IR : déclaration 2031 et annexes (tableaux 2050 à 2059 G).
- Pour l'IS : déclaration 2065 et annexes.
De plus, en cas de rétrocession d'honoraires (lors d'un remplacement par exemple), de nombreux professionnels libéraux doivent remplir des déclarations spécifiques comme la DAS2.
L'adhésion à une association de gestion agréée (AGA)
Pour les professions libérales soumises à l'impôt sur le revenu, l'adhésion à une association de gestion agréée (AGA) présente plusieurs avantages non négligeables :
- Éviter la majoration de 25% des bénéfices en cas de contrôle fiscal.
- Bénéficier d'une réduction d'impôt pour frais de comptabilité (sous conditions de chiffre d'affaires).
- Déduire intégralement les salaires du conjoint collaborateur.
Cette adhésion constitue donc un levier d'optimisation fiscale à ne pas négliger pour les professionnels libéraux.
Les cas particuliers des professions libérales
Certaines professions libérales présentent des particularités comptables qu'il convient de prendre en compte. En voici quelques exemples :
La cession de patientèle ou de cabinet
Pour un médecin, un avocat ou un expert-comptable, la cession de leur patientèle ou de leur cabinet constitue une opération délicate sur le plan comptable. L'évaluation de la valeur de cette cession doit prendre en compte de nombreux critères, comme le nombre de clients, la zone géographique ou les équipements existants.
Les rétrocessions d'honoraires
Lorsqu'un professionnel libéral se fait remplacer temporairement, il est souvent amené à rétrocéder une partie de ses honoraires à son remplaçant. Cette opération doit être correctement enregistrée dans la comptabilité et déclarée aux autorités fiscales.
Les exonérations de TVA
Comme évoqué précédemment, certaines activités libérales bénéficient d'une exonération de TVA prévue par la loi. C'est le cas, par exemple, des praticiens et auxiliaires médicaux, des ostéopathes ou des psychologues. Il est essentiel de bien identifier ces exonérations pour éviter toute erreur dans les déclarations de TVA.
Conclusion
La comptabilité des professions libérales constitue un défi de taille, en raison de la multiplicité des régimes fiscaux, des obligations déclaratives et des particularités propres à chaque activité. Cependant, une gestion rigoureuse de ces aspects comptables est indispensable pour assurer la pérennité et le développement de l'activité libérale.
Qu'il s'agisse de choisir le statut juridique le plus adapté, de respecter les échéances déclaratives ou d'optimiser sa situation fiscale, l'accompagnement d'un expert-comptable spécialisé peut s'avérer précieux. En alliant expertise technique et conseil stratégique, ces professionnels du chiffre contribueront à sécuriser et valoriser votre activité libérale.
Vous souhaitez être accompagné dans votre comptabilité, nos experts-comptables sont à votre disposition pour répondre à toutes vos questions concernant cette notion. Notre cabinet d'expertise comptable, basé Saint-Michel-sur-Orge dans l'Essonne, reste disponible par téléphone, par e-mail ou sur rendez-vous.